« Angry Citizen, un blog très
politique et un peu moqueur », c’est ainsi que Damien présente son blog
hébergé par le site Yagg. Damien est un jeune gay d’un vingtaine d’années,
étudiant en droit et amateur, pêle-mêle, de mangas gays, de pop, de politique. Il
aime écrire et arbore une mèche qui lui descend sur les yeux. Il est fan, vous
l’aurez compris, de Mylène Farmer. A cause de la mèche, hein. Il semble
s’intéresser à diverses thématiques sociétales, comme beaucoup de jeunes de son
âge. Il les commente sur son blog, donne son avis, nous fait participer de sa
vision du monde et expose son rôle en tant que citoyen. Jusque là, rien que de
très classique pour une génération immergée dans le web 2.0 qui participe à sa
façon à la vie de la cité.
Dernièrement, cet angry citizen
s’est exprimé dans un texte couperet intitulé pompeusement « Militant ou Militaire : La mort programmée de
l’activisme LGBT”. Il y oppose la notion de militantisme
versus citoyenneté dans le contexte des luttes pour les droits et s’attarde
plus précisément sur les modalités d’action d’une des formes d’engagement
citoyen qu’il a dans le collimateur : l’activisme. Le Nostradamus en
herbe prédit ainsi la mort de l’activisme LGBT (le militantisme tout court, en
fait) convoquant Act Up-Paris, cette cible facile, ce Saint-Sébastien
symbolique qu’une importante partie de la « communauté »
« LGBT » crible de ses flèches mouillées d'acide depuis plus de 20
ans, persuadée d’avoir trouvé en elle l’incarnation de tous ses maux.
Je vais tâcher de soulever quelques
écueils, approximations et autres contre-vérités dans la prose guerrière et
violente de cet as de pique qui s'auto-persuade de vivre dans une société
« pacifiée ». Et d’en éclairer les absences.

Manif d'Act Up-Paris / 1996 (photo Christian Poveda/RIP Bro)
Visibilité et pédagogie
Alors que le jeune homme était encore
dans le sac de peau et de tissu fibromusculaire situé à la racine du pénis de
son papa, nous autres, âgés comme lui de 20 ans, militions parce qu’il le
fallait bien (sida, droits, visibilité). Nos espaces d’expression étaient moins
nombreux (je suis né avant les blogs). La reconnaissance de notre citoyenneté
pleine et entière passait par la rue, le militantisme, l’utilisation de nos
corps dans l’espace public contre les forces de “l’ordre”, par la confrontation
avec le système des pouvoirs en place. Pour que l’on ne nous confisque pas
notre parole de citoyens. Pour vivre pleinement, il nous fallait être
visibles. Rodrigue, un pote, relève une première problématique. Sur sa timeline
FB, il dit : "Je ne suis pas d'accord avec cet
article. Déjà, quand on invective le passé, le minimum, c'est de le faire avec
sa vraie identité et pas un pseudonyme, SURTOUT quand on écrit sur
Yagg.” C’est un premier paradoxe. Damien écrit “Le militantisme de
demain, c’est Pouhiou qui fait une vidéo contre
l’homophobie qui parle de sa vie. C’est GingerForce,
une féministe qui explique sa vie d’ancienne femme violentée.” Il met en
valeur la visibilité et la pédagogie comme le “militantisme de demain” tout en
écrivant sous pseudo dans un média LGBT et en privilégiant l’invective. La
visibilité, la pédagogie, c’est bon pour les autres. En effet, pour être
pédagogue, il faut être visible. Voilà plus de 30 ans que nos structures sont
visibles et que de nombreuses associations ont emprunté cette voie-là, Act
Up-Paris compris. Pouhiou rappelle publiquement, hors médium LGBT, que le
silence tue. L’équation Silence = Mort est un slogan actupien. Le silence tue
et le placard cache, Damien. Ce qui est important, c’est que Pouhiou, lui,
l'ait compris.
La violence et les mythes fondateurs
Ne voir que ce qui nous arrange. Regarder
l’Histoire par le petit bout de la lorgnette en ne citant que des moments
fondateurs (Stonewall, Le FHAR). Damien jette un oeil sur un passé qu’il n’a
pas vécu et écrit : “Il n’est pas question pour moi de dire que l’activisme violent
des années 1970 était inutile. Je connais trop bien l’Histoire, pour savoir que
les luttes violentes sont souvent nécessaires. Stonewall était un événement
capital, les actions du FHAR étaient salutaires.” Il assène, péremptoire,
et sûr de son coup que notre violence était nécessaire. Le problème c’est que
Stonewall n’était ni un mouvement activiste et ni volontairement violent.
C’était une mobilisation spontanée, citoyenne, non encadrée par une structure,
qui a resisté et réagit à une agression de la police. Pas plus que le FHAR
n’était un mouvement activiste, au sens greenpeacien du terme. Un mouvement
radical, oui, qui intervint dans l’espace public et médiatique, oui. Et
non-violent. Si l’Histoire n’était que dates, ça arrangerait tout le monde. Pourtant
dans le défilé de ces actes qui ont marqué notre mémoire collective, il y a des
mobilisations, des manifestations, du travail politique, du combat.
L’Histoire s’est écrite, longuement, patiemment, avec quelques éclats, des
zaps, avec des coups de pieds dans la fourmilière parce qu’il a bien fallu la
secouer pour se tracer un bout de chemin.
L’activisme est mort
C’est encore Rodrigue qui le souligne: “On
critique chez certains ce qu'on approuve chez les femen, et
inversement”. On peut être, comme je le suis, profondément en désaccord
avec les femen dont le problème n’est pas qu’elles soient activistes, mais
qu’elles soient des islamophobes soutenues par un discours féministe blanc
majoritaire. Le blogger, pourtant prolixe, ne fait pas mention de ce
présent-là, dans une société bien loin d’être apaisée. Au contraire, certaines
gouines féministes ayant leurs tickets d’entrée dans les salons politiques et
médiatiques y battent le chien avec le chien. Elles jettent de l’huile sur le
feu, polarisent les débats et alimentent la haine. Pédés vs musulmans. Femmes
voilées vs laïcards. Aujourd’hui, l’enjeu n’est pas de savoir si l’activisme
est mort ou pas. Mais bien d’en reconstruire un. Car l’activisme restera
toujours un moyen et non une fin. Aujourd’hui, l’enjeu est redéfinir les cibles
politiques que nous voulons viser, avec un panel d’outils, dont
l’activisme.
Cynisme et inculture, un capital culturel?
Ce qui est le plus détestable dans ce genre de
texte et avec ce genre de blog, c’est son cynisme assumé. Damien l’a créé en
décembre 2013 et il écrivait ceci : “vous retrouverez aussi régulièrement des
invectives, des moqueries et quelques attaques faciles, parce que oui, je suis
d’une profonde mauvaise foi :)". Le cynisme est parfois un outil
valable quand il est utilisé à bon escient. Or, les cibles ici ne sont pas les
pouvoirs en place. Son analyse n’opère aucune déconstruction des discours
dominants. Au contraire, elle réécrit notre histoire, celle de nos
mobilisations, pour servir son propos. Et il ne recule devant rien. Le jeune
sophiste, qui n’a rien à envier à un Onfray en mal d’égo, n’a pourtant de cesse
de produire sans rougir des approximations et même des anachronismes. Quand on
veut manier les concepts et leurs ancrages historiques, il faut être rigoureux.
Le philosophe hollandais Spinoza devient, au détour d’une phrase sans doute
extraite du net, un sociologue. Tout le monde sait que la sociologie est née au
17ème siècle… Bourdieu, que l’auteur semble chérir, doit se retourner dans sa
tombe ou rire à se faire pipi dessus.
L'Histoire qu’il nous reste à écrire
Sur un fil de discussion facebook, un ex-ami
trouvait ce texte con et mignon, prétextant qu’il y en avait un comme ça par an
et qu’il faut laisser pisser. Je n’arrive pas à avoir assez de distance pour en
sourire. Parce que ce n'est pas un par an qu'on voit passer, mais plusieurs, et
toujours avec la même rengaine. Vous les vieux, vous les militants vs nous la
société (soi-disant) pacifiée, nous les citoyens. C’est souvent et partout. Cette
mollesse de réaction à ce petit opus n’arrive pourtant pas à occulter des
problématiques et des combats importants, à venir. Qui écrira notre histoire? Qui
la relatera sinon nous, les témoins directs de ce que nous avons nous-mêmes
vécu? Alors qu’aucun lieu de mémoire et d’archives dignes de ce nom n’a encore
vu le jour. Alors que nous sommes à un moment charnière de notre histoire.
Alors que l’homogénéisation que les associations mainstream gay ont
voulu imprimer en se définissant comme “LGBT” est en train d’éclater. Laisser
les premierEs concernéEs narrer leur propre histoire, mener leur propre combat
doit être l’éthique qui nous guide. La violence réside aussi dans le déni du
ressenti de nos frères et soeurs minoritaires. Non, nous ne sommes pas “des inquisiteurs
accusant les uns et les autres d’avoir des opinions homophobes ou transphobes”.
Oui, ils sont transphobes et homophobes et le mettre à jour n’est pas
“inutile”.
Inter-générationnalité
Ce texte réactive ce modeste blog laissé en
jachère. Pour, peut-être, à nouveau, écrire et narrer nos vies et aider, même à
un degré infime, à reformer notre histoire collective. En ayant pour désir,
pour nécessité impérieuse qu’il participe d’une échange inter-générationnel qui
fait horriblement défaut. Quand j’avais l’âge de Damien, j’avais les livres,
les textes et les aînés qui transmettaient leurs savoirs. Je m’y suis accroché,
pour comprendre, pour me comprendre. Aujourd’hui, les kids, comme dit
Didier Lestrade, ont un accès incroyable à la base de données planétaire qu’est
le web. J’ai fait l’effort d’accroître mon capital culturel depuis 20 ans, en
accumulant du savoir. Le savoir est là, en libre service, en 2.0. Help
yourself.
Non, Damien, il n’y a pas que toi le gay citizen
et nous les vieilles folles militantes et militaires. Il y a aussi nous les
pédagogues et toi qui aujourd’hui écrit des textes qui sonnent comme des
déclarations de guerre. Il y a ton vocabulaire aussi qui suinte une sémantique
guerrière et viriliste. L’as de pique, la carte “la plus forte”. Mais tu vois,
il s’agit pas de jouer au bridge. Cette symbolique était aussi utilisée par des
soldats américains “comme une arme psychologique durant la guerre du Viêt Nam”
(source wikipédia).
Nous avons donc plusieurs choix qui s’offrent à
nous. Prendre nos plus grands accents paternalistes et te renvoyer du “toi, le
jeune, grandis et on en rediscutera”. Ou bien répondre à tes attaques avec les
armes à notre dispostion. Comme t’ignorer ou te répondre avec la même violence
symbolique dont tu fais preuve. A 40 ans passés, je t’avouerai que je me remets
encore en cause et que j’ai plus envie de tout ça. J’ai moi-même énormément
manié cette violence verbale. On me le reproche souvent. Dans ce texte, comme
tu peux le lire, j’utilise la méthode Angry-citizen, je suis moqueur et con. A
la seule différence que je n’ai remis en cause les combats de mes aînés qui
m’ont ouvert la voie pour une vie plus sereine et ni décrété la fin des luttes.
Au contraire, la vieille folle militante est plus que jamais disponible pour
poursuivre le combat, avec ou sans toi. Si vis pacem,
para bellum.
« Angry Citizen, un blog très
politique et un peu moqueur », c’est ainsi que Damien présente son blog
hébergé par le site Yagg. Damien est un jeune gay d’un vingtaine d’années,
étudiant en droit et amateur, pêle-mêle, de mangas gays, de pop, de politique. Il
aime écrire et arbore une mèche qui lui descend sur les yeux. Il est fan, vous
l’aurez compris, de Mylène Farmer. A cause de la mèche, hein. Il semble
s’intéresser à diverses thématiques sociétales, comme beaucoup de jeunes de son
âge. Il les commente sur son blog, donne son avis, nous fait participer de sa
vision du monde et expose son rôle en tant que citoyen. Jusque là, rien que de
très classique pour une génération immergée dans le web 2.0 qui participe à sa
façon à la vie de la cité.
Dernièrement, cet angry citizen
s’est exprimé dans un texte couperet intitulé pompeusement « Militant ou Militaire : La mort programmée de
l’activisme LGBT”. Il y oppose la notion de militantisme
versus citoyenneté dans le contexte des luttes pour les droits et s’attarde
plus précisément sur les modalités d’action d’une des formes d’engagement
citoyen qu’il a dans le collimateur : l’activisme. Le Nostradamus en
herbe prédit ainsi la mort de l’activisme LGBT (le militantisme tout court, en
fait) convoquant Act Up-Paris, cette cible facile, ce Saint-Sébastien
symbolique qu’une importante partie de la « communauté »
« LGBT » crible de ses flèches mouillées d'acide depuis plus de 20
ans, persuadée d’avoir trouvé en elle l’incarnation de tous ses maux.
Je vais tâcher de soulever quelques
écueils, approximations et autres contre-vérités dans la prose guerrière et
violente de cet as de pique qui s'auto-persuade de vivre dans une société
« pacifiée ». Et d’en éclairer les absences.
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Manif d'Act Up-Paris / 1996 (photo Christian Poveda/RIP Bro) |
Visibilité et pédagogie
Alors que le jeune homme était encore
dans le sac de peau et de tissu fibromusculaire situé à la racine du pénis de
son papa, nous autres, âgés comme lui de 20 ans, militions parce qu’il le
fallait bien (sida, droits, visibilité). Nos espaces d’expression étaient moins
nombreux (je suis né avant les blogs). La reconnaissance de notre citoyenneté
pleine et entière passait par la rue, le militantisme, l’utilisation de nos
corps dans l’espace public contre les forces de “l’ordre”, par la confrontation
avec le système des pouvoirs en place. Pour que l’on ne nous confisque pas
notre parole de citoyens. Pour vivre pleinement, il nous fallait être
visibles. Rodrigue, un pote, relève une première problématique. Sur sa timeline
FB, il dit : "Je ne suis pas d'accord avec cet
article. Déjà, quand on invective le passé, le minimum, c'est de le faire avec
sa vraie identité et pas un pseudonyme, SURTOUT quand on écrit sur
Yagg.” C’est un premier paradoxe. Damien écrit “Le militantisme de
demain, c’est Pouhiou qui fait une vidéo contre
l’homophobie qui parle de sa vie. C’est GingerForce,
une féministe qui explique sa vie d’ancienne femme violentée.” Il met en
valeur la visibilité et la pédagogie comme le “militantisme de demain” tout en
écrivant sous pseudo dans un média LGBT et en privilégiant l’invective. La
visibilité, la pédagogie, c’est bon pour les autres. En effet, pour être
pédagogue, il faut être visible. Voilà plus de 30 ans que nos structures sont
visibles et que de nombreuses associations ont emprunté cette voie-là, Act
Up-Paris compris. Pouhiou rappelle publiquement, hors médium LGBT, que le
silence tue. L’équation Silence = Mort est un slogan actupien. Le silence tue
et le placard cache, Damien. Ce qui est important, c’est que Pouhiou, lui,
l'ait compris.
La violence et les mythes fondateurs
Ne voir que ce qui nous arrange. Regarder
l’Histoire par le petit bout de la lorgnette en ne citant que des moments
fondateurs (Stonewall, Le FHAR). Damien jette un oeil sur un passé qu’il n’a
pas vécu et écrit : “Il n’est pas question pour moi de dire que l’activisme violent
des années 1970 était inutile. Je connais trop bien l’Histoire, pour savoir que
les luttes violentes sont souvent nécessaires. Stonewall était un événement
capital, les actions du FHAR étaient salutaires.” Il assène, péremptoire,
et sûr de son coup que notre violence était nécessaire. Le problème c’est que
Stonewall n’était ni un mouvement activiste et ni volontairement violent.
C’était une mobilisation spontanée, citoyenne, non encadrée par une structure,
qui a resisté et réagit à une agression de la police. Pas plus que le FHAR
n’était un mouvement activiste, au sens greenpeacien du terme. Un mouvement
radical, oui, qui intervint dans l’espace public et médiatique, oui. Et
non-violent. Si l’Histoire n’était que dates, ça arrangerait tout le monde. Pourtant
dans le défilé de ces actes qui ont marqué notre mémoire collective, il y a des
mobilisations, des manifestations, du travail politique, du combat.
L’Histoire s’est écrite, longuement, patiemment, avec quelques éclats, des
zaps, avec des coups de pieds dans la fourmilière parce qu’il a bien fallu la
secouer pour se tracer un bout de chemin.
L’activisme est mort
C’est encore Rodrigue qui le souligne: “On
critique chez certains ce qu'on approuve chez les femen, et
inversement”. On peut être, comme je le suis, profondément en désaccord
avec les femen dont le problème n’est pas qu’elles soient activistes, mais
qu’elles soient des islamophobes soutenues par un discours féministe blanc
majoritaire. Le blogger, pourtant prolixe, ne fait pas mention de ce
présent-là, dans une société bien loin d’être apaisée. Au contraire, certaines
gouines féministes ayant leurs tickets d’entrée dans les salons politiques et
médiatiques y battent le chien avec le chien. Elles jettent de l’huile sur le
feu, polarisent les débats et alimentent la haine. Pédés vs musulmans. Femmes
voilées vs laïcards. Aujourd’hui, l’enjeu n’est pas de savoir si l’activisme
est mort ou pas. Mais bien d’en reconstruire un. Car l’activisme restera
toujours un moyen et non une fin. Aujourd’hui, l’enjeu est redéfinir les cibles
politiques que nous voulons viser, avec un panel d’outils, dont
l’activisme.
Cynisme et inculture, un capital culturel?
Ce qui est le plus détestable dans ce genre de
texte et avec ce genre de blog, c’est son cynisme assumé. Damien l’a créé en
décembre 2013 et il écrivait ceci : “vous retrouverez aussi régulièrement des
invectives, des moqueries et quelques attaques faciles, parce que oui, je suis
d’une profonde mauvaise foi :)". Le cynisme est parfois un outil
valable quand il est utilisé à bon escient. Or, les cibles ici ne sont pas les
pouvoirs en place. Son analyse n’opère aucune déconstruction des discours
dominants. Au contraire, elle réécrit notre histoire, celle de nos
mobilisations, pour servir son propos. Et il ne recule devant rien. Le jeune
sophiste, qui n’a rien à envier à un Onfray en mal d’égo, n’a pourtant de cesse
de produire sans rougir des approximations et même des anachronismes. Quand on
veut manier les concepts et leurs ancrages historiques, il faut être rigoureux.
Le philosophe hollandais Spinoza devient, au détour d’une phrase sans doute
extraite du net, un sociologue. Tout le monde sait que la sociologie est née au
17ème siècle… Bourdieu, que l’auteur semble chérir, doit se retourner dans sa
tombe ou rire à se faire pipi dessus.
L'Histoire qu’il nous reste à écrire
Sur un fil de discussion facebook, un ex-ami
trouvait ce texte con et mignon, prétextant qu’il y en avait un comme ça par an
et qu’il faut laisser pisser. Je n’arrive pas à avoir assez de distance pour en
sourire. Parce que ce n'est pas un par an qu'on voit passer, mais plusieurs, et
toujours avec la même rengaine. Vous les vieux, vous les militants vs nous la
société (soi-disant) pacifiée, nous les citoyens. C’est souvent et partout. Cette
mollesse de réaction à ce petit opus n’arrive pourtant pas à occulter des
problématiques et des combats importants, à venir. Qui écrira notre histoire? Qui
la relatera sinon nous, les témoins directs de ce que nous avons nous-mêmes
vécu? Alors qu’aucun lieu de mémoire et d’archives dignes de ce nom n’a encore
vu le jour. Alors que nous sommes à un moment charnière de notre histoire.
Alors que l’homogénéisation que les associations mainstream gay ont
voulu imprimer en se définissant comme “LGBT” est en train d’éclater. Laisser
les premierEs concernéEs narrer leur propre histoire, mener leur propre combat
doit être l’éthique qui nous guide. La violence réside aussi dans le déni du
ressenti de nos frères et soeurs minoritaires. Non, nous ne sommes pas “des inquisiteurs
accusant les uns et les autres d’avoir des opinions homophobes ou transphobes”.
Oui, ils sont transphobes et homophobes et le mettre à jour n’est pas
“inutile”.
Inter-générationnalité
Ce texte réactive ce modeste blog laissé en
jachère. Pour, peut-être, à nouveau, écrire et narrer nos vies et aider, même à
un degré infime, à reformer notre histoire collective. En ayant pour désir,
pour nécessité impérieuse qu’il participe d’une échange inter-générationnel qui
fait horriblement défaut. Quand j’avais l’âge de Damien, j’avais les livres,
les textes et les aînés qui transmettaient leurs savoirs. Je m’y suis accroché,
pour comprendre, pour me comprendre. Aujourd’hui, les kids, comme dit
Didier Lestrade, ont un accès incroyable à la base de données planétaire qu’est
le web. J’ai fait l’effort d’accroître mon capital culturel depuis 20 ans, en
accumulant du savoir. Le savoir est là, en libre service, en 2.0. Help
yourself.
Non, Damien, il n’y a pas que toi le gay citizen
et nous les vieilles folles militantes et militaires. Il y a aussi nous les
pédagogues et toi qui aujourd’hui écrit des textes qui sonnent comme des
déclarations de guerre. Il y a ton vocabulaire aussi qui suinte une sémantique
guerrière et viriliste. L’as de pique, la carte “la plus forte”. Mais tu vois,
il s’agit pas de jouer au bridge. Cette symbolique était aussi utilisée par des
soldats américains “comme une arme psychologique durant la guerre du Viêt Nam”
(source wikipédia).
Nous avons donc plusieurs choix qui s’offrent à
nous. Prendre nos plus grands accents paternalistes et te renvoyer du “toi, le
jeune, grandis et on en rediscutera”. Ou bien répondre à tes attaques avec les
armes à notre dispostion. Comme t’ignorer ou te répondre avec la même violence
symbolique dont tu fais preuve. A 40 ans passés, je t’avouerai que je me remets
encore en cause et que j’ai plus envie de tout ça. J’ai moi-même énormément
manié cette violence verbale. On me le reproche souvent. Dans ce texte, comme
tu peux le lire, j’utilise la méthode Angry-citizen, je suis moqueur et con. A
la seule différence que je n’ai remis en cause les combats de mes aînés qui
m’ont ouvert la voie pour une vie plus sereine et ni décrété la fin des luttes.
Au contraire, la vieille folle militante est plus que jamais disponible pour
poursuivre le combat, avec ou sans toi. Si vis pacem,
para bellum.