10/10/2009

De Frédéric Mitterand et de la sexualité gay.




Un des journalistes de Yagg a publié une tribune sur Frédéric Mitterrand intitulé “Frédéric Mitterrand, de l’ombre à la lumière”. Les différentes réactions des internautes m'ont amené à poser quelques questions qui me semblent essentielles à porter au débat qui prend des tournures de scandale et sur la réaction de gays et lesbiennes, notamment à travers les médias communautaires.

La pédophilie : évidemment, je la condamne. Fermement.
Une certaine hypocrisie traverse les discours. Celle qui consiste à se voiler la face sur les questions "d'amalgame" entre pédophilie et homosexualité.
Il y a une nuance qu'il faudrait enfin assumer et qui serait à porter au crédit des gays pour qu'ils ne paraissent pas aveuglés par un débat trouble, qui met mal à l'aise.
Oui, il faut aussi assumer que certaines pédophiles préfèrent le genre masculin au genre féminin.
Oui, il y a des pédophiles homosexuels comme il y a des pédophiles hétérosexuels. Et ils sont condamnables les uns au même titre que les autres.
Ne pas assumer ça en tant que tel, c'est jouer la politique de l'autruche.
L'homosexualité n'est pas égale à pédophilie, c'est sûr. Mais argumenter sur le fait qu'il y aurait un amalgame scandaleux entre homosexualité et pédophilie, c'est nier un état de fait.
Malheureusement, des hommes adultes abusent d'enfants qu'ils soient de sexe masculin ou féminin.

D'où mon second point qui me semble crucial dans ce débat qui est la question de l'âge de consentement. Et que peu de monde se pose. Voilà une discussion d'adultes qui oublient un point essentiel, c'est-à-dire les premiers concernés : les jeunes.
Qui a pris le temps, ou pris le soin de savoir ce qu'ils en pensaient?
Ainsi, faudrait-il être plus clair sur l'âge de consentement.

Comment se fait-il que l'âge de consentement sexuel en France soit fixé à 15 ans et en Espagne à 13 ans? Pourquoi ces deux ans d'écart? Les jeunes espagnols seraient-ils plus matures sexuellement à 13 ans que les jeunes français?
Je n'ai pas poussé mes investigations plus loin et ne saurais justifier cet écart entre la France et l'Espagne.
Le débat a déjà eu lieu au Royaume-Uni sur ces questions, il y a quelques années maintenant. Différence de traitement entre l'âge légal de consentement sexuel pour les jeunes homos et jeunes hétéros. Ces derniers, d'après la loi anglaise, sembleraient "matures sexuellement plus tôt.

Tout ce débat ne doit néanmoins pas nous faire perdre de vue qu'il existe une différence de traitement en ce qui concerne le regard que l'on porte sur la sexualité des jeunes homosexuels et celle des jeunes hétérosexuels. Avec un caractère clairement homophobe dans le regard porté sur la sexualité des jeunes différenciant de manière outrancière la sexualité des jeunes gays et lesbiennes de celle des jeunes hétéros.
Oui, il paraît scandaleux pour beaucoup de Français que deux jeunes homos de 13 ou 14 ans s'embrassent à la sortie du collège, alors qu'il est tout à fait normal que de jeunes hétérosexuels se roulent des galoches devant la grille du même collège. A quand une version de "la boum" version gay ou lesbienne?

Oui, il y a encore énormément de travail à faire sur les questions des jeunes et de la sexualité. Et le scandale autour de Frédéric Mitterrand et de Roman Polanski, ne doit pas en faire oublier un point crucial : la sexualité de jeunes. Mettre de côté les premiers concernés et n'écouter que les adultes sur ces questions, c'est ne pas apporter toutes les pièces à cet enjeu de société auquel il faudrait s'attacher au plus vite. Il en va du bien-être des jeunes gays et lesbiennes et de leurs épanouissements social et psychologique.
Certains d'entre nous (gays, lesbiennes) ont des enfants ou réclament le droit d'en adopter. Si nous tenons vraiment à eux, nous devons nous poser nous aussi ces questions-là. Car il en va du futur épanouissement de nos enfants, qu'ils se considèrent un jour ou l'autre comme hétéros ou homos.

Arlindo Constantino

04/10/2009

Dirk Bogarde : remisé au placard


il est des omissions qui font vraiment chier.

dans un article des pages cinéma de Télérama (23 sept 2009), Guillemette Odicino annonce la reprise de Victim, le merveilleux film noir de Basil Dearden. Dirk Bogarde y incarne le rôle d'un avocat respectable et heureux en ménage (hétérosexuel!) rattrapé par son passé amoureux et menacé d'une terrible humiliation publique.
le film, réalisé en 1961, est un des premiers traitant de l'homosexualité à l'écran et lancera un grand débat qui jouera un rôle prépondérant dans la dépénalisation de l'homosexualité en Angleterre en 1967.
victim est un film militant. au regard du contexte anglais de l'époque et du sujet même du film : le poids et la peur du scandale quand on est au placard.
alors, c'est exaspérant de lire un article titré "le premier héros homo" et de ne pas redire que Dirk Bogarde l'était. nan, c'est sûr, c'est pas scandaleux en soi, mais quand même! un film sur la pression sociale sur les gays, avec un acteur gay (certes sorti du placard bien plus tard). mais 40 ans après, on est en droit, oui en droit de s'attendre à ce qu'une journaliste évoque l'homosexualité de Dirk Bogarde, même dans un petit article. pour le coup, il y a une vraie cohérence à le faire au vu de la sexualité de Bogarde et les films dans lesquels il a joué (Portier de nuit, Mort à venise).
voilà comment, post-mortem, on remise au placard un pédé. ça à l'air insignifiant comme ça, mais à une époque où la lutte contre l'homophobie est presque dans toutes les bouches, il est des omissions qui participent encore à invisibiliser les pédés.
Victim est dans les salles. allez le voir. réfléchissez à tout ça. surtout vous, les pédales honteuses encore au placard (oui, oui, il y en a encore). parce que c'est pas la Guillemette qui va le faire!

= la morue barbue =


PS : je ne résiste pas à l'envie de partager l'hommage amoureux fait en 99 par Louis Skorecki (Libé) à la mort de Dirk Bogarde.
"Tu n'es pas mort Dirk, tu nous pètes encore au visage, tu rigoles de tes yeux chinois, ton parfum est lourd, entêtant, capiteux. Tu es la plus belle femme du monde, un bel adolescent, un Anglais trop stylé. On suit le thé sur tes lèvres, ton thé si anglais, ton thé trop sucré. Quelques gouttes de lait tombent lentement, inexorablement, sur tes lèvres trop rouges. La mort t'embrasse sur la bouche. Tu es beau. C'est comme ça qu'on t'aime."

01/10/2009

amour en chute


un texte de mon amie Sibylla. sur le flou du désir masculin. alors, amour ou baise? en tant que pédé, je m'y retrouve, mais du point du vue de l'auteure.


Ce type se réveille comme avec un ressort dans le cul.

Il ne saurait pas trop dire si c'est l'envie de vivre ou de baiser qui lui fait quitter son lit.

Baiser ne lui donne pas plus envie de vivre, mais le tient en vie. Par accoups.
Des baises comme des stimulations ou des massages cardiaques.
Parfois avec un goût d'amour périmé ou de tabac froid. Une baise suivie d'une toux dégueulasse pour se remettre dans le bain. L'impression d'avoir perdu quelque chose et s'évertuer à retrouver ce je ne sais quoi dans les étreintes. Les étreintes accompagnées de whisky sont les plus appréciables, ça fige l'impression d'être sur le point de retrouver ce qui était recherché.
Et puis non, ce sera une redescente.
Toux.
Toilettes.
Formulé autrement ça donne, j'ai fait l'amour -cette fois je le tiens- et puis après je suis allé chier. Il y a toujours l'élément de la redescente, alors c'est bien là son plus grand mal, considérer les amours et les baises comme des montées,
suivies de redescentes.

Il s'est dit, je vais mettre le paquet (1) pour le trouver ce putain de truc, essayons de le chercher le plus possible. Une baise par jour me donne plus de probabilités de le trouver. Je vais devoir faire dans la diversité (2) . Ne pas me fermer de porte. Ça demande du courage et de la ténacité. Baiser à tout va peut fatiguer. Ainsi sa recherche de paradis perdu pouvait tant prendre la forme d'un frais pd tantôt le visage du dernier boudin fille bourré qui quitte le bar. Sur le coup, le boudin paraît pas mal, les effluves du whisky aidant. Parfois la pilule passe mal.
Sa quête de paradis perdu l'a fait se perdre dans des nuits de baise. Il y en a eu de fantastiques. Mais il n'a rien retrouvé. Finalement, c'est cette insupportable impression d'attendre quelque chose, d'être dans un entre deux, d'avoir oublié un truc qu'il devait faire.
Il se dit qu'il aurait été plus heureux dans des situations plus classiques du type, j'aime ma femme, mais je suis cocu. Il n'a pas eu cette chance. Ça lui a fait tout drôle la scène sous l'arbre du film beauté volée. Il s'est senti tout con d'être ému.

Et merde la deuxième pensée qui a suivi est pire. Il a revu les gros poils sous les bras de sa dernière conquête. Bah quoi? toi tu te rases pas et ça me dégoûte pas, elle lui a dit quand elle a repéré sa tête ; bof il a pas débandé au final.
Peut-être a-t-il lu quelque chose, gosse. Qui lui a compliqué la tête sans qu'il y prête attention.
Il ne cherchait pas au bon endroit.
Ou plutôt son problème était qu'il cherchait.
Alors rien ne valait plus le coup. (3)

Il voulait retrouver quelque chose. Il a mis un pied dans la tombe sans jamais l'avoir trouvé. C'est con mais lui, n'a jamais rien donné du tout. Il a pris l'amour et les baises comme un égoïste.
Sans jamais se dire que l'accomplissement ne pourrait se faire que si la perdition se faisait à deux.
Il était incapable d'aimer. Il a consommé des baises comme il aurait essayé de se rendre ivre. Et ça faisait de moins en moins d'effet. Il fallait augmenter les doses, mais il retrouverait pas ses premiers émois. Là il était tout près. L'accumulation l'a fait se perdre et oublier le début, enfin ce qui était simple. Dès qu'il a commencé à se questionner et appliquer sa méthode c'était foutu. Une sorte de suicide à la baise par désespoir d'amour.
Et puis ce film. Sous l'arbre , la fille frissonnait juste au plaisir du garçon qui s'allonge sur elle.
Tout ça lui semble bien loin. La multiplicité de ses vices lui fera jamais vivre un truc comme ça. Quelque chose d'aussi simple.

Trop de baises l'ont rendu triste. Il fallait bien qu'il passe par là.
Une rencontre ne le sauverait pas plus qu'une autre, il s'est dit. Il était encore dans le faux. Personne n'irait le sauver.
C'est drôle quand il était gosse, il se rendait malade à garder secret les filles dont il était amoureux. Avouer qu'il était amoureux voulait dire que si la fille l'apprenait elle pourrait pas tomber amoureuse de lui, après. Il était terrorisé à l'idée de dégainer des sentiments en premier. Il se foutait déjà des schémas dans la tête. Du coup il était méchant avec ces connes qui se faisaient des idées. Plus il était amoureux plus il les martyrisait. Qu'elles aillent pas s'imaginer quoi ce soit. Ça pourrait tout gâcher. Ça donnait qu'il était adorable avec les filles dont il se foutait éperdument. Les autres du coup il a pas mis en pratique. Mais son secret était bien gardé.

Se dégoûter du nutella. Ou des filles. C'est ce qu'il se disait dans d'intenses moments de réflexion devant la télé. Ma vie sentimentale se résume à ma façon d'aller au supermarché, j'y vais quand j'ai faim du coup j'achète tout et n'importe quoi. Et puis finalement j'en ai beaucoup trop et ça me fait plus envie, ma gloutonnerie me coupe l'appétit. Il aurait pu aller se détendre en promenant son chien c'était une idée qui lui plaisait. Il n'avait pas de chien. S'occuper d'un animal lui paraissait aussi dur qu'être en couple. Ça voulait dire, pas partir en vacances quand on veut. Pour ces deux responsabilités.
Marcher main dans la main avec sa petite copine, l'idée lui plaisait. Mais que de temps en temps. Et ces drôles de bêtes s'attachent et en demandent toujours plus. Les filles le poussaient à être un salaud se disait-il encore dans d'intenses moments de réflexion.

Parfois il se demandait aussi s'il réfléchissait que quand il se faisait un peu chier. L'analyse des événements venait-il de la distance entre les événements? Avoir beaucoup d'activités lui donnerait-il la possibilité de se passer de réfléchir? Non il y aura toujours une hystérique de grande moralité pour venir lui demander des comptes ou des justifications. Ah les salopes. Je peux pas juste me servir et les reposer comme si je n'y avais pas touché. Obsédé par l'idée que les filles pouvaient potentiellement tomber amoureuses de lui et le faire chier, il se bloquait. Les pd ça l'inquiétait moins, enfin il se disait que serait jamais aussi chiant qu'une fille pour des justifications.
Est-ce que ça se voyait sur sa tête quand il était en train de réfléchir? À ce moment précis, il se demandait si une grosse le comblerait plus. Il pouvait donner sa chance à une grosse après tout. Là encore ses schémas étaient défaillants.

Il voulait pas que les filles le fassent chier mais il aimait bien quand même qu'elles soient tristes quand il les quitte. Ça le confortait dans l'idée qu'il était un mec qu'on voudrait avoir à ses côtés même s'il agissait en gros bâtard. Il pouvait continuer de se dire, bâtard c'est un agissement de façade, mais sinon je suis un être très sensible.

Parfois il s'excusait de tout. Il serait peut-être bien, vieux, soulagé. Là, il aimerait tranquillement sans ses schémas défaillants.

Sa psychanalyste lui avait donné des explications. A rejeté la faute sur d'autres. Assis sur son banc ça l'avance pas des masses de se dire que ses parents lui ont déformé la tête à se côtoyer comme des étrangers. Ça n'aurait pas changé grand chose qu'ils soient démonstratifs. C'est une connerie. C'est son potentiel d'amour qui était défaillant. Ça le rendait bien triste de se dire qu'au final le problème c'était qu'il avait un coeur tout sec. Il était pas plus qu'un chat qui éventrait des oiseaux. Une fois de plus, assis sur ce banc, il esthétisait comme il pouvait la merde qu'il accomplissait. Il voulait aimer avec son coeur tout sec et ça le sauvait, bien plus que les rencontres nocturnes.
Mais même ses prières du soir, il les faisait au cas où dieu existerait. Pas pour prier. Il était rongé par toute une suite de schémas qui s'étaient accumulés dans sa tête. Les mots précédaient ses actes et les faussaient. Tous.

Il faisait délicieusement beau aujourd'hui alors tant pis s'il se sentait être un gros con. Il avait le droit malgré tout de profiter de cette belle journée.
Cette pensée le remplit de satisfaction. Son pénis lui dit lève-toi lève-toi.

(1) Les connotations sexuelles affligées à certains mots sont fortuites.
(2) Et pas dans la dentelle
(3) Fortuit aussi.


photo : Arlindo Constantino © droits réservés