15/03/2009

Les encres de François Henri Galland au Duplex

François Henri Galland est un jeune homme à la barbe broussailleuse, pas vraiment taillée. Il a le regard doux, le sourire timide et sur les bras une jolie forêt de poils fournis, hérissés, désordonnés.

Au Duplex, sur deux pans de murs se faisant face, il a disposé des portraits, une majorité d’hommes. Dans un joli foutoir à la composition aléatoire les visages dessinés à l’encre se répondent , ballotant notre regard d’un mur à l’autre.

FHG est un voyeur, casanier. Son « mode opératoire » consiste à naviguer sur internet, sur des sites de drague pédé notamment, et à voler l’image de ces hommes qui se donnent à voir, qui s’exposent. Plus besoin d’écarter les rideaux de la maison pour du regard violer l’intimité du voisin : internet s’en charge.

FHG est un scribe. Il calligraphie de la pointe de ses bâtons en bambous les visages de ces hommes virtuels. Il réécrit leur histoire, trace des zones d’ombres épaisses, laisse le bois du roseau composer des lignes plus légères, plus fines, plus humaines.
Certains visages ne sont que quelques lignes, quelques signes qui s’organisent dans le silence du papier blanc. D’autres sont saturés d’encre à l’extrême. Le papier gonflé de noir de chine est blessé par les coups violents et obliques des pointes de bambou.
Sur quelques portraits, FHG a déposé, timidement, comme pour ne pas gêner, quelques traces d’un rouge profond. D’un rouge sang, qui ramènerait quelques-uns de ses hommes à la vie.

Dans nos sociétés où les corps se surexposent, les yeux , ceux des hommes réécrits par François Henri Galland nous fixent de leurs regards noirs et profonds. Ils nous invitent à écrire une histoire avec eux. Une histoire, oui. Parfois dure, mais néanmoins belle. Une histoire charnelle, passionnée et douce. Non pas des histoires virtuelles chargées d’avenirs sans lendemain.

les oeuvres de françois henri galland son visibles sur http://francoishgalland.canalblog.com/

06/03/2009

une éducation libertine de jean-baptiste del amo


1760. Gaspard, un jeune homme quitte Quimper, son père tyrannique, sa mère folle et la porcherie familiale pour Paris.
il déambule dans cette ville sale, nauséabonde, suintante à la recherche d’un destin. un avenir flou qu’il cherche dans les artères de la ville lumière où il croise des hommes, des femmes, la misère composée d’âmes perdues, et confronte son corps à la violence des corps purulents, infectés. des liaisons qui tuent d’avance tout sentiment d’affection, tout attachement humain. Gaspard finit par faire corps avec cette ville fangeuse, en décomposition, étale.
la Seine, veine coupant la société parisienne en deux, n’aura de cesse d’imposer sa présence obsédante à Gaspard. il y plonge pour y travailler, il s’y reflète pour mieux voir la cruauté de sa déchéance et, ne supportant plus la stagnation qui le fait pourrir, il finit par traverser ce fleuve maudit dans l’espoir de donner plus d’éclat à son existence.

le fleuve parisien, métaphore centrale de l’ouvrage, devient le décor des projections chimériques du jeune homme. Gaspard devenu giton se métamorphose à chaque nouvelle rencontre, passant d’une réalité à une autre comme on passe d’une rive à l’autre. la fuite en avant qui semble être la seule issue le plonge dans un tourbillon de sensations, de sentiments abyssaux.
les gueux comme les aristocrates sont victimes de leurs désirs sexuels. loin du libertinage dix-huitièmiste et de la critique aristocratique d’un Choderlos de Laclos, le sexe abolit ici une forme de lutte des classes.

tous immoraux, tous égaux ?

les échos de cette éducation libertine sur les sexualités d’aujourd’hui jettent un éclairage pessimiste. la narration de ses affres, le cheminement psychologique et social de Gaspard évoquent la recherche et la perte identitaires dans une ville anonyme. sans âme, sans sentiments, les corps se donnent, se vendent, se négocient. ils s’étalent, s’offrent dans la toile des rues de Paris comme sur celle d’internet où s’étalent actuellement les nôtres, impudiques, immatériels. des corps exposés offerts en pâture, des âmes trop souvent asservies par un désir nihiliste de la chair.

Jean-Baptiste Del Amo évoque avec une écriture dense, brute, sensorielle, suskindienne, la matière sensible et fragile de nos corps, potentiellement lieux de souffrance. Ainsi, dans cette éducation libertine les corps sont martyrisés, meurtris, malades.

cet hommage au libertinage, à celui de Sade notamment, me fait alors écrire que ce n’est pas de ce type de rapports humains auquel j'aspire. trop sombres, trop chargés de souffrances, de meurtrissures que l’on s’impose, que l’on nous suggère depuis deux millénaires. à l’image du corps martyrisé d’un christ offrant ses plaies en modèle, qui meurt puis ressuscite en corps immatériel, en corps désincarné.

et pour aller dans le sens d'une proposition de Michel Onfray, à ce nihilisme de la chair, à ce type d’éducation libertine, je préfère de loin l’alternative de la « construction d’une érotique solaire », le souci d’un plaisir qui prend en compte le désir, le bien de l’autre et le sien propre.

Une éducation libertine de jean Baptiste Del Amo – Gallimard – 437p.


Proposition de lecture : Le souci des plaisirs, construction d’une érotique solaire de Michel Onfray – Flammarion – 191p, avec illustrations.